« L’impuissance diplomatique de Maxime Prévot au Congo ne peut qu’alimenter la guerre »

« Le désastre diplomatique de Maxime Prévot au Congo ne fait qu’attiser le feu », nous confie un observateur européen de la RDC. « Cela encourage uniquement des dirigeants corrompus comme Neva et Tshisekedi à poursuivre leur gestion chaotique en toute discrétion. En renforçant la narration selon laquelle le Rwanda est le grand méchant de ce conflit, violant les règles internationales en combattant activement aux côtés du M23, Prévot commet de graves erreurs. Et ce n’est pas l’opinion de tous en Belgique. La machine de propagande anti-Belge à Kigali et Goma exagère largement l’implication active de la Belgique dans l’orchestration d’un conflit plus large dans cette région. Mais on peut dire que la diplomatie de Prévot renforce cette image. La Belgique est déjà marginalisée depuis de nombreuses années, tant sur le plan diplomatique qu’économique, dans cette partie de l’Afrique. Tout ce qui reste aux Belges, ce sont leurs liens historiques avec la région et le fait que Bruxelles peut encore être perçue comme un centre d’informations et de logistique pour le Burundi, le Rwanda et le Congo. Et ce dernier lien, Prévot est désormais en train de le détruire également. Ses successeurs auront beaucoup de mal à reconstituer cette connectivité. »

Ces propos ne sont guère rassurants pour un ministre des Affaires étrangères fraîchement nommé, surtout lorsqu’il n’a auparavant aucune expérience en Afrique. « Prévot tente de se positionner comme un acteur souhaitant apporter la paix en Afrique. Mais pour cela, il s’entoure de fervents opposants au Rwanda et s’appuie sur des valeurs eurocentrées classiques. Et c’est une erreur que commettent de nombreux Européens : ils supposent que les pays africains doivent respecter les valeurs démocratiques telles qu’elles sont défendues en Europe, alors que beaucoup conviennent que cela ne fonctionne pas en Afrique. Car ces valeurs ne sont souvent qu’une façade permettant à la corruption et à la violence de prospérer. Le Rwanda a élaboré son propre système politique pour éviter de retomber dans les erreurs de ses voisins, en se concentrant sur le développement et la sécurité de son pays. Les Rwandais sont très fiers que ce nouveau modèle fonctionne bien et que leur pays progresse rapidement. Le président Kagame a aussi montré à plusieurs reprises qu’il ne voulait pas danser au rythme de l’Europe. Bruxelles centralise également l’opposition rwandaise en exil et héberge de nombreuses organisations qui propagent les théories des responsables du génocide des Tutsi en 1994. Plusieurs « suspects de génocide » ont maintenu des contacts étroits avec des politiciens belges, et leurs enfants, qui détiennent aussi la nationalité belge, sont très actifs en politique belge, notamment dans des partis catholiques flamands et wallons. C’est précisément cette clique qui, en ce qui concerne l’Afrique, guide la politique de Prevot. Si une chose est claire, c’est que Kigali méprise le doigt paternaliste et condescendant des gouvernements belges, qui portent souvent une grande responsabilité dans l’histoire désastreuse de leur pays. Prevot en est un parfait exemple : il a été à l’origine d’une offensive anti-M23 et anti-Rwanda au sein de la Communauté européenne, il négocie des accords avantageux avec les gouvernements congolais et burundais, et il affirme que le Rwanda viole le droit international, que l’actuelle administration du M23 dans les provinces du Kivu doit céder la place à l’ancienne administration chassée du pouvoir. Mais il oublie de mentionner que la nomination de Tshisekedi à la présidence n’a pas été totalement légale, étant principalement le fruit d’un compromis imposé par des pays comme la Belgique et les États-Unis. Le gouvernement rwandais s’est irrité contre lui et a diplomatiquement évincé la Belgique. Cela place Prévot dans le rôle d’un ‘Groucho Marx’ diplomatique, ou, pour employer une expression belge, d’un ‘Gaston Lagaffe’ : un maladroit politique qui ne veut pas ou ne comprend pas la réalité de cette partie de l’Afrique. »

Groupes de pression
« Prévot n’écoute clairement que les arguments fournis par l’ambassade belge à Kinshasa et par le lobby conservateur, borderline négationniste, anti-Kigali à Bruxelles », ajoute un diplomate belge. « Et cela alors qu’il a aussi accès à des informations pouvant équilibrer tout cela, et qui montrent clairement que la clique des dirigeants africains qu’il soutient en permanence est en réalité à l’origine de tous les problèmes, même s’ils se cachent derrière une propagande épaisse et une pseudo-légalité. En Belgique, il existe deux groupes de pression politiques intéressés par le Congo : un groupe de catholiques encore amer que l’Église catholique au Rwanda ait colonisé le pays de manière à provoquer inévitablement des conflits ouverts et des représailles ; et une faction libérale qui a aussi des intérêts commerciaux dans le Congo et qui est plus pro-Kigali. Louis Michel était le maître d’orchestre de ce groupe, et d’autres comme Herman Decroo peuvent être considérés comme des fidèles alliés. Les liens d’affaires avec des personnalités comme Georges Forest, un crocodile de l’ancien gouvernement congolais, sont facilement démontrables. Il est aussi largement connu que les démocrates-chrétiens flamands et wallons ont reçu de l’argent de l’ancien président Mobutu pour financer leurs campagnes électorales. Pour Prévot, le Congo constitue une plateforme idéale pour continuer à se positionner comme un acteur politique international en Europe. Sur l’ensemble du débat sur l’Ukraine en Europe, il apparaît peu. Mais les initiés savent que cet homme vend surtout du vent, et que la Belgique en Afrique ne signifie presque plus rien aujourd’hui. »

« Cette logique a du sens », ajoute un autre diplomate belge. « Pour le gouvernement rwandais, Prevot était donc une cible facile, et par l’expulsion de l’ambassade belge, ils ont pu envoyer un message d’avertissement aux autres diplomates étrangers critiquant la politique du Rwanda au Congo. N’oublions pas qu’en Afrique de l’Ouest, la France a été expulsée par plusieurs pays. Beaucoup d’Africains approuvent cela. Mais malgré nos erreurs graves en Afrique et au Congo, et malgré le fait que Maxime Prévot ne comprenne pas la langue utilisée par le gouvernement rwandais, je pense que Kigali a un peu réagi trop fort. La réalité, c’est que la majorité des Belges ne sont pas impliqués activement dans ce qui se passe au Rwanda ou au Kivu. Beaucoup ne sont pas contre le Rwanda ; ils sont simplement très mal informés, voire partialement, par une poignée de journalistes qui ont perdu tout contact avec la réalité du terrain en Afrique. Et cela complique énormément la tâche pour contrecarrer les préjugés selon lesquels le gouvernement rwandais serait trop arrogant et constituerait la force motrice derrière le M23. »
Offensive
« Tout le monde s’attend actuellement à une offensive des forces congolaises, des troupes burundaises, et du FDLR-Wazalendo », ajoute un analyste militaire bien informé. « La FARDC renforce ses positions : elle envoie des centaines, voire des milliers, de recrues très mal formées vers le front, depuis Kisangani en direction de Walikale. Elles sont bien équipées en armes lourdes, mais leurs officiers supérieurs ont la tête dans le sac, car s’ils échouent maintenant, ils connaîtront le même sort que leurs prédécesseurs à Bunagana, Rutshuru, Masisi et Bukavu. Plus de 40 d’entre eux sont déjà sous enquête ou en prison à Kinshasa. Dans des villages comme Kibua, des plateformes pour drones d’attaque sont en train d’être installées. La ligne logistique entre Walikale et Kisangani peut être facilement coupée par le M23, et on peut déjà prévoir que la FARDC sera à nouveau battue, de toute part, même si elle attaque simultanément Uvira, Nyanzale, et peut-être Kanyabayonga. Et les armes qu’elle transporte finiront dans les stocks du M23. Pour le M23, c’est la parfaite occasion de « nettoyer » leur région des dernières traces de FDLR, FARDC et de l’administration envoyée de Kinshasa. De nouvelles batailles donnent aussi au M23 plus de temps pour améliorer leur gestion, parfois défaillante, et pour purger leurs rangs d’éléments moins disciplinés. Maxime Prévot connaît tout cela aussi, mais il n’a pas conseillé à Tshisekedi de garder son calme ! »

« Nous attendons effectivement une nouvelle offensive », admet un responsable du 23. « Et nous sommes plus que prêts. La seule personne qui pense pouvoir gagner cette nouvelle offensive, c’est Tshisekedi lui-même, parce que les généraux qui lui communiquent des informations ne lui disent que ce qu’il veut entendre. Notre délégation à Doha n’a qu’à faire deux choses : parler d’un cessez-le-feu que Kinshasa n’a pas respecté jusqu’à présent, et discuter de la libération de nos prisonniers politiques à Kinshasa. Ce n’est qu’une fois cela accompli que nous pourrons envisager une future collaboration entre le gouvernement central de Kinshasa et le M23 pour gérer le Kivu. Mais si, en attendant, ils nous attaquent, toutes les discussions seront annulées, et nos fusils AK-47 seront mis en mode automatique. »
Conclusion
De toute évidence, Maxime Prévot aura beaucoup de mal à influencer un processus de paix au Congo : en prenant ouvertement parti, en laissant peu de place à la nuance et en flattant Tshisekedi, il ne fait qu’attiser le conflit. Car il renforce l’illusion du président congolais qu’il peut encore gagner cette guerre et qu’il continuera à bénéficier d’un appui suffisant en Europe. Il ignore aussi totalement les conseils avisés de certains de ses propres diplomates et analystes militaires, en restant fidèle à la narrative anti-Rwanda, très populaire dans les médias belges dominants, sans prendre en compte d’autres opinions et perspectives. Je me bats contre ce ‘bias’ déjà pendant des années mais je ne peux pas m’associer avec des gens ici a Kigali que les Belges sont directement connectés militairement dans des opérations militaires contre les M23 ou contre l’armée Rwandaise. Je dénoncerai cela aussi quand j’en était sure mais jusque maintenant il n’y aucun indice dans ce sens.
Marc Hoogsteyns, Kivu Press Agency.