L'implication Burundaise dans les problèmes de la RDC risque de déclencher un inévitable conflit régional

L'implication Burundaise dans les problèmes de la RDC risque de déclencher un inévitable conflit régional

On mentirait si on disait que c’est facile d’analyser les problèmes en cours dans les Kivu congolais. C'était déjà très compliqué de comprendre ce creuset de contradictions, de violence, de cupidité, d'ethnicité, et la région connaît des guerres depuis des décennies. Nous avons suivi cela de près pendant longtemps, et avons déjà rédigé plusieurs articles à ce propos. Personne ne se rend compte de la gravité de cette guerre. Seules les guerres au Moyen-Orient et en Ukraine semblent être plus importantes que celle-ci. Des milliers de personnes fuient la violence ethnique et la guerre en cours en RDC, cela fait déjà plus de 30 ans. Le suivi de conflits comme celui-ci nous a donné un terrible déjà-vu : malgré la grande connaissance que beaucoup de gens et d'observateurs ont de ce conflit, certains des principaux protagonistes de cette pièce ont été autorisés à continuer leurs jeux criminels et violents. En ce moment, la situation devient encore plus complexe, et le risque de devenir un conflit régional augmente chaque jour. Et oui, nous vous avons déjà avertis à ce sujet par le passé, chaque fois que nous pensions que la situation allait exploser complètement. Nous essaierons d'analyser une fois de plus la situation telle qu'elle se présente actuellement et de voir comment elle a évolué au cours des derniers mois. L'un des éléments qui ressort du contexte général est l'implication du Burundi dans ce désordre.

 La politique actuelle du Congo pour le Président burundais Evariste Ndayismiye (surnommé 'Général Neva') est très difficile à comprendre pour de nombreux étrangers. Le Burundi est un petit pays qui atteint rarement les actualités internationales, mais ses dynamiques internes menacent désormais également la paix dans la région. Pour bien comprendre cela, nous devrons plonger dans le passé récent du pays. Les troupes burundaises combattent maintenant aux côtés des FDLR (extrémistes Hutus rwandais) qui collaborent déjà avec les FARDC et les Nyatura (rebelles Hutus congolais). Leur implication a augmenté au cours des derniers mois.

"Le Général Neva joue un jeu très dangereux et marche sur une corde très fine", nous dit un analyste militaire étranger. "C'est comme s'il avait perdu tout son sens de raison ; d'un côté, il joue ouvertement les cartes de Tshisekedi en envoyant des centaines de soldats burundais dans une bataille sanguinaire au Congo. Ils ont déjà perdu de nombreux soldats. Les généraux burundais ne s'en soucient guère. D’ailleurs, des informations très sûres en provenance du Burundi nous indiquent que les militaires qui refusent de répondre à la mission d’aller se battre au Congo sont soit tués, emprisonnés, ou mis en garde à vue dans leurs propres demeures.  En échange, Neva reçoit des garanties de Kinshasa pour conclure des accords miniers en RDC. La plupart des minéraux extraits à Rubaya passaient par le Burundi via ce réseau. Et la clique autour du président en profitait. Rubaya n'est qu'un exemple, et à Rubaya, il pouvait compter sur ses bons contacts avec les FDLR qui bénéficiaient également de cette mine. Rubaya est maintenant assiégée par le M23, qu’à cela ne tienne, Neva & co peuvent se rabattre sur d'autres mines au Sud-Kivu. Nous savons également que Neva, ainsi que son chef d'état-major Prime Niyongabo, sont passés par Kinshasa où ils ont reçu beaucoup d'argent de Tshisekedi. Ils ont gardé cela pour eux."

"L'année dernière, le Général Neva était encore en bons termes avec le Rwanda, mais cela n'a pas duré longtemps", continue un leader de la Société Civile burundaise. "Il a été sous pression d'un autre groupe d'extrémistes Hutus dirigé par le Général Alain Guillaume Bunyoni, un homme très excentrique qui aimait se déguiser en clown mais qui avait également fait ses preuves sous l'ancien président Pierre Nkurunziza en combattant une guerre rebelle en RDC. Bunyoni est très populaire dans l'armée et bénéficie du soutien de la milice extrémiste Inbonerakure. Cette milice a été créée comme une sorte de deuxième défense contre l'opposition croissante de la Société Civile et de certains groupes Tutsi. Neva a condamné cet homme à la prison l'année dernière. Après la mort de Nkurunziza, le groupe autour de Bunyoni et celui autour du Général Neva se sont engagés dans une lutte pour le pouvoir. D'autres leaders extrémistes Hutus ont été tués. Neva a remporté la course. À ce moment-là, le pays était économiquement et complètement à genoux ; les donateurs internationaux avaient cessé leur aide après la publication de plusieurs rapports sur les violations des droits de l'homme et la corruption. Neva tentait de regagner la reconnaissance tout en rétablissant les relations avec le Rwanda et se présentant comme un négociateur local et régional pour résoudre les problèmes en RDC. Les affaires avec le Rwanda ont repris. Les Rwandais savaient très bien que cette situation tendue avec le Burundi ne durerait probablement pas longtemps, mais ils ont joué le jeu, même lorsqu’il devenait évident que des personnes telles que Paul Rusesabagina, le héros d'Hollywood, montaient une petite armée pour infiltrer le Rwanda depuis le Burundi avec le soutien des FDLR et du RNC (un autre groupe d'opposition rwandais). Rusesabagina n'a pas progressé beaucoup, et les Rwandais ont dû rappeler à Neva de rester dans sur une ligne raisonnable.

Le groupe de pression Hutu au Burundi n'est pas une structure homogène. Neva avait une partie des hommes d'affaires burundais contre lui. Une communauté soutenue par le président tanzanien Jakaya Kikwete, un fervent défenseur de la cause Hutu au Rwanda et au Burundi, ainsi que par d'autres généraux burundais tels que Alain Guillaume Bunyoni. Ils ont commencé à exercer des pressions sur le président nouvellement élu en limitant l'importation du carburant et de bétail afin que la population se soulève contre leur président. Neva a réussi à mettre Bunyoni derrière les barreaux, mais de nombreux observateurs pensent que ce dernier n'a pas encore joué tout son rôle. Neva aurait probablement ordonné sa mise à mort s'il n'avait pas eu peur que cela n'attire l'attention d'autres généraux sur son cas."

 "L'armée burundaise avait déjà une tradition de combats en RDC. Elle était déjà engagée dans une guerre contre le Red-Tabara, un groupe rebelle burundais composé de nombreux Tutsis mais qui avait également acquis une mauvaise réputation pour le pillage, le meurtre et le viol de la population congolaise. Les Rwandais n'ont jamais fait d'objection car ils comprenaient également que les Red-Tabara n'étaient pas l'outil adéquat pour influencer la politique au Burundi. L'armée burundaise était déjà présente en RDC lorsqu'elle s'est engagée aux côtés des forces régionales déployées par la Communauté de l'Afrique de l'Est pour intervenir et maintenir la paix entre les FARDC et le M23. Entre-temps, Neva a commencé à radicaliser de nouveau son attitude envers le Rwanda. Il a même refermé la frontière pour plaire aux partenaires commerciaux de Bunyoni qui favorisent les affaires avec la Tanzanie. Et il a conclu un accord avec Tshisekedi après le retrait des forces de l’EAC pour rester en RDC avec son armée et envoyer plus de soldats. Sa grande erreur est de garder les profits de ses transactions douteuses pour lui-même et de ne pas les partager avec les autres responsables burundais."

 

"Le général Neva se sent actuellement étouffé par la pression de ses adversaires," nous révèle un journaliste burundais. "Plusieurs centaines de soldats burundais ont déjà déserté l'armée au Burundi parce qu'ils ne veulent pas être envoyés comme chair à canon en RDC. Ils savent que leurs camarades meurent comme des mouches piétinées. Et la population commence à poser des questions à ce sujet ; dans de nombreux cas, les noms des soldats burundais tombés ne sont pas mentionnés dans les documents officiels et de nombreuses familles demandent maintenant ce qui est arrivé à leurs fils. Nombreux Inbonerakure sont également recrutés pour aller combattre en RDC, et beaucoup d'entre eux désertent juste aux premiers tirs des M23. On dirait que Neva sait que son temps au pouvoir est presque révolu et qu'il amasse autant d'argent que possible pour se retirer dans un autre pays. Bunyoni n'est pas non plus une bonne option pour succéder à Neva. Cet homme est également connu comme un criminel, et il relancera de nouvelles transactions douteuses. Le Burundi est déjà l'un des pays les plus pauvres d'Afrique et sa population est terrorisée par la milice Inbonerakure et les fonctionnaires corrompus du gouvernement. En cas d'aggravation de la situation pour les 'Interahamwe' (FDLR) en RDC, ils ne pourront que fuir vers notre pays."

 "L'influence des FDLR rwandais dans les affaires burundaises a toujours été importante. Ils ont formé la milice Inbonerakure, et ils ont été impliqués dans de nombreuses transactions commerciales au Burundi. « Leur implication est plus importante que ce que croit la plupart des gens », dit un officier burundais à Bujumbura. ‘Ils tentent de raviver les anciens sentiments contre les Tutsis et disent aux nouvelles recrues que la guerre en RDC est une sorte de spectacle 'tout ou rien' pour contenir le pouvoir des Tutsis. C'est aussi pour cette raison que le groupe de pression Hutu propage des messages de haine en RDC. Les médias sociaux montrent clairement que tout le réseau extrémiste Hutu est impliqué dans cela. Récemment, le général Neva a fait des déclarations pou souligner cette stratégie.

La relation burundaise avec la Tanzanie a également été un sujet assez complexe à comprendre. Comme nous l'avons déjà mentionné, Kikwete, l'ancien président tanzanien, a mis en place une structure commerciale dans le pays et a forgé une relation spéciale avec certains leaders burundais. Le "Général Neva" ne faisait pas partie de ce cercle et a dû forger d'autres alliances pour renforcer sa position. Il est à noter que Kikwete est d'une certaine manière toujours conseiller pour la nouvelle direction tanzanienne, mais celle-ci ne partage pas nécessairement toutes ses opinions régionales. Les nouveaux responsables veulent également faire des affaires avec le Rwanda et l'Ouganda, et récemment, il est devenu évident que la Tanzanie remet en question le fait que les FARDC dépendent trop des extrémistes du FDLR et envoient des civils sur la ligne de front pour leur servir de boucliers dans ces combats. En résumé, leur attitude contraste presque complètement avec les actions du Général Neva et du président Tshisekedi, qui s'appuient fortement sur les FDLR pour réaliser leurs plans. Il semble que l'Afrique du Sud et la Tanzanie examinent maintenant attentivement la situation. Ils vérifient la profondeur du gouffre congolais avant de s'y aventurer.

 "La situation dans les Kivu est en effet très explosive et complexe", ajoute un haut responsable rwandais. "Mais la présence de la SADC et son éventuelle participation à des opérations offensives contre le M23 ne sont pas le principal problème. Aujourd'hui, les actions du Général Neva sont plus importantes à suivre. Nous sommes convaincus que le président sud-africain, son homologue tanzanienne et les Angolais comprennent avec qui ils traitent et qu'ils ne tomberont pas dans le rêve de Tshisekedi. Ils ne succomberont certainement pas aux astuces bon marché du président burundais qui envoie ses propres soldats au front pour s'enrichir. La politique burundaise manque de cohérence et est pleine de contradictions très difficiles à comprendre pour les étrangers. Espérons que la raison l'emportera. Il s'agit de l'une des dernières chances pour la communauté internationale de résoudre les problèmes en RDC par une solution pacifique. S'ils échouent et si l'intégrité du Rwanda est violée, notre réaction sera en conséquence. Le Burundi se profile comme un grand ballon vide. Quelques piqûres d'aiguille sont tout ce dont on a besoin pour résoudre ce dilemme."

 

Adeline Umutoni and Marc Hoogsteyns – Kivu Press Agency.

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