L’accord de paix de Doha constitue une avancée encourageante, mais il ne constitue pas une solution immédiate pour mettre fin à la guerre en RDC.

Je ne suis pas le seul à suivre de près les discussions qui se tiennent à Doha entre les rebelles du M23 et le gouvernement congolais. Hier, j’ai échangé avec plusieurs observateurs présents lors des négociations, qui se sont montrés très optimistes et positifs. Ils m’ont indiqué que l’accord ne fait aucune mention d’un retrait éventuel du M23 de ses zones libérées. Toutefois, un véritable serpent se cache dans la gestion de cette patate chaude, à savoir qui assumera la responsabilité sécuritaire et administrative des Kivus après ce deal sera conclu pour de bon. Aucun mot n’est non plus évoqué concernant la présence éventuelle de troupes rwandaises en RDC. Cependant, l’accord que j’ai examiné ce matin indique clairement que des discussions auront lieu dans les semaines à venir sur la restauration de l’autorité centrale dans la région du Kivu.
Ce matin, le propagandiste-ministre congolais Patrick Muyaya a d’ores et déjà affirmé que le M23 allait se retirer de la zone. En réponse, Bertrand Bisimwa, un leader du mouvement rebelle, a insisté sur le fait que le groupe ne remettrait jamais le contrôle des Kivus au gouvernement central de Kinshasa, et qu’il ne reculerait pas. L’accord prévoit explicitement qu’un accord définitif doit être conclu d’ici la fin du mois d’août. Cette échéance semble être une exigence des Américains, qui semblent déterminés à pousser les protagonistes à un compromis afin que le président Donald Trump puisse revendiquer la victoire d’une paix durable en RDC dans les semaines à venir.

Contradictions
Honnêtement, ces contradictions ne présagent rien de bon. J’ai aussi appris, d’une source américaine, que les États-Unis ont demandé au M23 d’être plus flexible envers Kinshasa. Ils ont déjà prévu que, dans les prochains jours et semaines, des attaques de Wazalendo, FDLR et des forces FARDC continueront probablement leurs provocations, « car Kinshasa n’a pas un contrôle total sur ces troupes et tout peut arriver au plus profond de la jungle congolaise ». Ils savent également que Kinshasa ne mettra probablement pas fin à l’approvisionnement continu en troupes et en matériel dans la région. Lors des négociations, la délégation du M23 a présenté à Kinshasa des photos et des preuves, montrant clairement des unités FARDC, des troupes burundaises et diverses milices en mouvement vers des sites stratégiques comme Shabunda, à partir desquels des attaques contre les positions du M23 pourraient être lancées. Les Américains ont demandé au mouvement rebelle de rester calmes et de ne pas répliquer de manière trop agressive. Pour le M23, cela pourrait aussi représenter une opportunité d’éviter d’être perçu comme le parti qui sabote le processus de paix. Mais jusqu’où ces raisonnements peuvent-ils aller ? Ou existe-t-il des garanties en coulisses, non incluses dans l’accord formel ? Seul le temps nous le dira.

Stratégie
Ce qui devient de plus en plus évident, c’est que le gouvernement américain cherche à obtenir une victoire avec un accord de paix congolais, en alignement avec les plans de plusieurs ‘think tanks’ ultra-conservateurs américains, notamment la Heritage Foundation. Le président Donald Trump lui-même a admis qu’il était peu informé sur la situation en RDC et qu’il se fiait largement à son conseiller Massad Boulos, suivant essentiellement les directives du groupe de lobbying. Leur stratégie claire est de minimiser l’influence chinoise en RDC, afin d’exporter principalement cobalt, cuivre, coltan et autres minéraux vers les États-Unis. Ils veulent rapidement prouver que Trump a réussi cela, renforçant ainsi son rêve mouille pour un prix Nobel de la paix.

Le 8 août, les parties en conflit en RDC devraient retourner à la table des négociations, avec une échéance fixée à la mi-mois pour finaliser un accord détaillé. Des véritables négociations marathon. L’apogée de tout cela est attendue à Washington, avant la fin août, où Kagame et Tshisekedi devraient signer un accord durable, probablement sous une grande couverture médiatique.
Lithium
Le ministre congolais de l’Information, Patrick Muyaya, a également affirmé ce matin que le M23 se retirerait et remettrait la gouvernance et la sécurité dans les Kivus aux autorités congolaises. Cependant, Bertrand Bisimwa a répliqué vivement que cela n’arriverait jamais. Un observateur à Doha a laissé entendre que la discussion pourrait alors évoluer vers la mise en place d’une nouvelle structure fédéraliste en RDC, où les administrations locales resteraient largement sous le contrôle des autorités régionales, avec Kinshasa en rôle de supervision. Une telle proposition devrait être validée par le Parlement congolais et ne sera pas résolue du jour au lendemain. Ce « hot potato » sera sans doute à l’ordre du jour le mois prochain à Doha, mais d’ici là, il pourrait être trop sensible pour être accepté en toute casualité à Washington. Par ailleurs, Kinshasa a également ouvert la porte à des géants américains tels Jeff Bezos ou Bill Gates (via leur société KoBold Metals) pour l’exploitation du lithium dans le sud-est du pays, notamment à Manono. Les Américains agissent rapidement : cette concession a déjà fait l’objet de débats intenses entre investisseurs chinois et australiens concurrents pour son exploitation. Il est évident que celui ou celle qui torpillera le rêve de Donald Trump d’obtenir un prix Nobel de la paix risque fort de payer cher cette défiance.

Positif
Ce qui est positif, c’est que les deux parties ont convenu d’un cessez-le-feu, de la libération potentielle de prisonniers, et de la cessation des discours incendiaires souvent entendus à Kinshasa. Cependant, au total, j’attendais davantage de cet accord. Il n’aborde pas le rôle encore actif du Burundi ni ne clarifie ses propres interprétations, laissant beaucoup de place à diverses compréhensions. Sur le plan positif, cela reconnaît effectivement le M23 comme un partenaire de négociation légitime. Si le président Tshisekedi ne tient pas ses engagements, il pourrait faire face à une pression américaine. Mais rien n’empêche pour autant de se tourner à nouveau vers Pékin, d’où il a déjà transféré des millions de dollars sur des comptes bancaires européens.
Je m’arrête là. Lire l’avenir n’est pas ma spécialité, et seul le temps nous dira ce que réserve l’avenir pour la RDC dans les mois et années à venir. Je reste sceptique — beaucoup d’eau devra encore couler sous les ponts du fleuve Congo avant qu’une paix véritable ne soit instaurée dans le pays.
Marc Hoogsteyns, Agence de Presse Kivu